Pour Alexis GRUSS le cirque est un lieu.
Alexis senor, son oncle, a bercé mon enfance. Il se produisait à la Piste aux Etoiles que la télévision française de l’époque diffusait le mercredi soir.
Des étoiles, le gavroche que j’étais, en avait plein les yeux, devant la dextérité de ce maître à qui les chevaux obéissaient au doigt et à l’oeil. La chambrière, le prolongement de son bras, donnait les indications nécessaires pour que les crinières virevoltent dans une parfaite harmonie, laissant à peine soupçonner l’autorité naturelle du dresseur.
En cette fin mai 2015, le théâtre Antique d’Orange devenait pour quelques soirées, le lieu bien choisi pour être l’écrin d’une rencontre savamment orchestrée entre les écuyers du Cadre noir de Saumur et la troupe circassienne d’Alexis Gruss : héritiers d’une grande tradition équestre pour les premiers cités et d’un savoir faire familial incontesté pour les seconds.
Rigueur, fantaisie, deux écoles, deux styles qui s’accordent sur un point essentiel avec pour dénominateur commun : la passion du cheval et l’amour du travail bien fait.
Acrobaties, voltige, liberté, attitudes des plus spectaculaires s’opposent à la justesse, au classicisme, à l’abnégation, à l’épuration où l’écuyer s’efface, sobre, élégant parce que discret, afin de ne mettre en lumière que le cheval, qui semble ainsi se mouvoir que par lui-même.
Dirigés respectivement par le colonel Teisserenc et par Alexis Gruss, écuyers et artistes rivalisent pour faire éclore cette belle réalisation sous l’oeil d’Auguste, l’empereur commanditaire de cette construction romaine qui porte bien ses rides, malgré son grand âge. Sous l’oeil également d’Auguste, mon aieul qui observe discrètement la fidélité de ma vocation.
La recherche est la même, saltimbanques et hommes en noir se proposent d’anoblir, de garder beau ce qui l’est par essence, avec le souci de « parfaire la nature par la subtilité de l’art ».
Le cheval, ainsi sublimé par les forces qui gravitent en son centre, atteint le point idéal d’équilibre. A ce niveau de perfection, telle une horloge, ces dernières se suffisent, naturelles, elles demeurent au service d’une volonté commune : se mouvoir avec grâce.
Remise en question, recherche de l’excellence… la matière se sculpte, les formes apparaissent, le geste s’arrondit, les articulations fléchissent. La posture induit l’attitude, l’oeuvre prend corps… La fusion est totale. La muraille, la plus belle du royaume selon Louis XIV , devient témoin privilégié de cette transformation.
Si les circassiens jouèrent sur du velours, les écuyers de Saumur durent relever un challenge de taille. Leurs montures n’étant pas habituées à cet espace scénique. Le talent des hommes a permis que ni équilibre, ni rectitude ne soient mis à mal. La situation n’était pas sans nous rappeler la fable du «Renard et de la Cigogne».
Une standing ovation récompensa la qualité de ce travail mis en commun au service de la pureté pour les uns, et de la magie pour les autres… Le son, la lumière, la voix de Barbara Nicoli, la baguette de Sylvain Rolland eurent raison de ce parfait équilibre devenu le maître mot de ce gala souligné par le talent du funambule Didier Pasquette.
Les Equestriades 2015 ont vécu, vive les Equestriades 2016.
Freddy PORTE.
Photos Alain LAURIOUX/CADRE NOIR IFCE